Hannibal, une série qui n’y va pas avec le dos de la cuillère

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Le regard alerte observe, l’écran noir se fige. Interlude de quelques secondes. Le temps s’arrête, la pression monte. Certaines images croisées sur internet resurgissent. Hannibal est porteur de promesses, sanglantes, vicieuses, horriblement attirantes.

Certaines vieilles ménagères tremblent encore au seul nom du Silence des agneaux. Si l’on peut excuser les légères digressions entreprises par Jonathan Demme sur le best-seller de Thomas Harris, on ne peut qu’admirer l’oppressante atmosphère qui ressort de ce film. Le jeu d’Anthony Hopkins dans le rôle d’Hannibal Lecter y est sûrement pour quelque chose. Bref, un premier succès, un indétrônable. On passe rapidement sur les autres films qui, selon les points de vue (de ceux qui ont lu les livres et des autres, seront soit des abominations, soit des suites passables. Mais de toute manière, rien n’y fait, le chef d’oeuvre est déjà posé et l’acteur campe son rôle.

Difficile. Difficile de faire autre chose après ça, et qui plus est de faire mieux (ou de le tenter du moins). C’est pourtant le pari risqué que s’est lancé le scénariste Bryan Fuller à la fin de l’année 2011 : créer une série sur la base du livre Dragon Rouge de Harris paru en 1981.

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(affiche du film Dragon Rouge réalisé par Brett Ratner en 2002)

Will Graham, incarné par le très bon Hugh Dancy, est consultant pour le FBI. Il a été recalé au concours d’entrée de la célèbre agence en raison de son instabilité psychologique. C’est pourtant cette instabilité qui intéresse Jack Crawford (Laurence Fishburne, ou « Morpheus »), agent en charge de la cellule des sciences du comportements. Will possède le don de se mettre dans la peau des autres, et en ce qui concerne la FBI, dans la peau des tueurs. Ces capacités offrent des résultats sans précédents dans la résolution des meurtres. Mais ce don est à double tranchant. Il le fait glisser progressivement dans la folie à travers une dissociation de la personnalité. Sa rencontre avec le docteur Hannibal Lecter (Mads Mikkelsen), psychiatre renommé, va être décisive.

Le connaisseur sera désorienté. L’ignorant étonné. Les deux sentiront naître chez eux une certaines intrigue dès le premier épisode. Désorienté parce que le scénariste effectue d’importants écarts par rapport à Dragon Rouge, en sortant notamment le Dr. Hannibal de son asile psychiatrique ou il se trouve normalement. Étonné par l’excellente esthétique de la mise en scène. Intrigués enfin par cette subtile recette qui mêle une morbidité bien saignante et malsaine au parcours psychologique erratique du héros.

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Will Graham (Hugh Dancy)

Hannibal surprend. Cette série ne bouscule pas tous les codes mais parvient tout de même à nous troubler. Le macabre y est pour une bonne part. Les crimes ont quelque chose de perturbant, d’atrocement sadique. On croirait presque deviner par moment de légers clin d’oeil au film Seven de David Fincher. Il n’empêche qu’au-delà du gore, la série possède de réels arguments. Le gore (pour les plus maso d’entre-vous). La profondeur psychologique de ses personnages qui nous incite à sombrer dans les méandres d’une flopée d’esprits criminels. Le suspens et la surprise, car l’on a beau connaitre l’oeuvre d’Harris sur le bout des doigts, Fuller n’interprète pas seulement, il recompose Dragon Rouge, le dépasse même. Hannibal rebute, attire, rend accro.

La ménagère n’a plus qu’à se la couler douce devant Mentalist. Hannibal n’est pas pour tous les coeurs. Ceux qui s’habitueront à son côté trash, ceux qui y prendront du plaisir (bande de tarés !) découvriront une histoire extrêmement fouillée et magistralement exécutée. Dragon Rouge le livre était poignant, Hannibal la série est saisissante.

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